En écoutant le sermon de ce dimanche, j’ai été troublé. Le prêtre, reprenant la 2e lecture, s’interrogeait sur notre réel désir, aujourd’hui, de la vie éternelle. Je l’entendais marteler cette formule : « la vie éternelle », quand soudain a résonné au fond de moi cette réaction venue de je ne sais où : « euh, je n’ai pas tellement envie de vivre éternellement, moi ». Sitôt passée la surprise, la raison a repris le dessus : « gros bêta, la vie éternelle ce n’est pas la vie terrestre qui continue sans fin ! »
Malgré tout, je suis resté vraiment troublé. D’abord que cette réaction ait pu me venir en tête. C’était presque vexant. Mais aussi parce que je me suis alors demandé : au fond, qu’est-ce donc que cette « vie éternelle », que nous puissions en effet la désirer ?
Je me suis rendu compte que le prédicateur mentionnait cette « vie éternelle » et nous encourageait à la désirer, sans préciser toutefois ce que recouvrait cette formule, comme si ce dont il était question était une évidence pour chacun. Or ce n’est pas si simple. Bien sûr, je connais la réponse de la foi : la vie éternelle, c’est cette joie parfaite, cette plénitude que partagent ceux qui, après la mort, vivent en présence de Dieu – dont nous pouvons, parfois, faire l’expérience (hélas fugace et imparfaite) par la présence de la grâce du Christ dans notre vie.
Mais cette réponse reste un peu abstraite malgré tout. Comment pouvons nous faire une juste idée de cette joie parfaite, nous qui n’en connaissons que de pâles reflets ici bas ? La joie céleste est-elle un prolongement, en quelque sorte de même nature que la joie que nous connaissons, mais d’une intensité et d’une durée sans limite, ou bien s’agit-il de quelque chose de radicalement différent ?
De la vie éternelle, du Royaume des Cieux, Jésus ne cesse de nous donner des images dans ses paraboles – comme de Lazare et de l’homme riche, qu’on entendait justement ce dimanche – mais ce ne sont justement que des images, qui ne résument pas ce dont elles nous parlent.
J’ai repensé alors à la question du sermon en me disant qu’il pouvait être en effet un peu difficile de désirer ce qu’on ne connaît pas vraiment, selon l’adage latin : « ignoti nulla cupido ». D’où l’importance que le Christ lui-même nous ait révélé cette vie éternelle, par sa parole, mais encore et peut-être surtout par sa vie même et par ses actes, qui nous ont montré que cette vie éternelle n’était pas forcément future, mais pouvait être déjà à l’œuvre parmi nous.
Mais le sujet ne m’a pas laissé en paix et en y repensant, je crois que ce qui me perturbe surtout, c’est cette adjectif : éternel. Il me semble que je n’arrive pas à concevoir vraiment cette notion d’éternité.
Autant nous pouvons nous déplacer dans l’espace et nous en faire une représentation un peu distanciée (notamment en passant de 1 à 2 puis 3 dimensions, ce qui nous offre en quelque sorte des degrés de liberté dans notre représentation de l’espace), autant nous sommes tellement soumis au temps, tellement dans le temps, qu’il est difficile d’imaginer seulement être hors du temps.
(Nota : je sais que la physique quantique contredit à peu près toute la perception courante que nous avons du temps, mais pour paraphraser von Neuman parlant des maths : on ne comprend pas la physique quantique, on s’y habitue – je laisse donc tout cela prudemment de côté)
Pour l’homme de la rue (ou le paroissien de base), cette difficulté conceptuelle conduit assez souvent à projeter sur l’au-delà nos propres représentations temporelles et donc en particulier à imaginer la vie éternelle comme quelque chose qui serait dans le temps, mais qui ne finirait pas. Comme une simple extension à l’infini de ce que nous connaissons ici-bas.
Or, évidemment, conçu ainsi, c’est moins désirable. On connaît la formule de Woody Allen : « l’éternité c’est long, surtout vers la fin ». Il nous faudrait peut-être réussir à concevoir la vie éternelle comme une intemporalité plus que comme une éternité…
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