« Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien »

Que ce soit lors de discussions en paroisse ou en mouvement, entre amis ou en famille, ou encore sur internet, il arrive régulièrement que l’un des interlocuteurs appuie son propos par une formule bien connue, censée condenser son idée de façon percutante, voire, si la formule est attribuée à un saint, lui accorder un poids d’autorité.

Mais il arrive souvent que ces citations soient douteuses. Soit que l’auteur invoqué ne soit pas avéré, soit que ses propos soient très déformés. C’est en particulier le cas d’une citation, attribuée à saint François de Sales : « le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ». Présentée comme extraite de son Introduction à la vie dévote, la phrase n’apparaît pourtant pas dans le texte de cette œuvre. On y trouve en revanche cette réflexion assez proche, mais qui ne dit pas la même chose :

« Les bourdons font bien plus de bruit et sont bien plus empressés que les abeilles, mais ils ne font sinon la cire et non point de miel : ainsi ceux qui s’empressent d’un souci cuisant et d’une sollicitude bruyante, ne font jamais ni beaucoup ni bien. »

François de Sales dénonce ici à juste titre ceux qui cherchent à agir très ostensiblement mais, au fond, ne font que brasser de l’air. Pour autant, il ne prétend nullement que « le bien ne fait pas de bruit ». D’ailleurs les abeilles, quand bien même elles seraient moins bruyantes que les bourdons, ne sont pas silencieuses pour autant.

Il serait plus conforme au propos de l’évêque de Genève de dire par exemple que « chercher à faire beaucoup de bruit ne veut pas dire qu’on fait beaucoup de bien ». On voit que le sens n’est plus le même. Évidemment, la formule sonne moins bien, mais elle est bien plus juste.

Dans le même ouvrage de saint François de Sales, on trouve plus loin cette autre réflexion, plus inattendue :

« Comme on voit ès audiences de plusieurs sénats et parlements, que les huissiers criant « Paix là ! » font plus de bruit que ceux qu’ils veulent faire taire, aussi il arrive maintes fois que voulant avec impétuosité réprimer notre colère, nous excitons plus de trouble en notre coeur qu’elle n’avait pas fait, et le coeur étant ainsi troublé ne peut plus être maître de soi-même. »

François de Sales n’encourage pas du tout ici à se laisser aller à la colère, mais simplement à ne pas prétendre la contenir en lui opposant une force qui ne conduirait qu’à nous faire exploser. Le remède pire que le mal.

En tout cas, cette phrase (« le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ») fait partie de ces formules toutes faites qu’on sort un peu à tort et à travers qui m’agacent de plus en plus.

Elle devient même assez perverse quand elle est employée à l’envers, ce qui arrive souvent, pour discréditer tout ce qui ferait du bruit comme si le seul fait de ne pas faire de bruit était en soi le signe du bien – ce que ne disait pas du tout s. François de Sales.

Le mal peut en effet prospérer très bien dans la discrétion et parfois même se nourrit précisément du silence. On ne le voit que trop bien dans le dévoilement de nombreux scandales. Quand « la parole se libère », elle fait certes du bruit, mais c’est bien – contrairement à l’omerta qui, elle, ne faisait pas de bruit.

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