Prière universelle

(Photo : notredamedebonsecours.fr)

Ayant un peu de temps avant un rendez-vous, je suis entré dans la petite chapelle à côté, comme souvent lorsque l’occasion se présente. Ce n’était pas que l’édifice soit très attirant. C’était l’une de ces chapelles à l’allure quelconque, bâtie quand le quartier s’est urbanisé. Mais l’important n’était pas là. Même s’il n’y avait personne à ce moment, il y avait les signes d’une communauté vivante : des affiches au fond présentant les activités, et sur un petit orgue, la partition du psaume d’un dimanche précédent. Et surtout, près du chœur, la lumière rouge, signe d’une autre présence : celle de notre Seigneur.

Au fond de la chapelle, je suis me suis arrêté pour ouvrir le cahier destiné à recueillir les intentions de prière laissées par les gens de passage, et les porter quelques instants dans ma prière. C’est toujours extrêmement touchant.

Les écritures sont variées – de la plus appliquée à la plus tourmentée, presque illisible. La forme est souvent très simple, l’expression sans effet. Il y a parfois des formules qui semblent toutes faites – comme si son auteur s’était raccroché, faute de trouver les mots, à des phrases remontant de très loin, des prières apprises dans l’enfance, peut-être, et qui sont restées au fond du cœur.

La diversité des intentions est immense. Des appels au secours, des cris de détresse, des remerciements. Toute la vie est présente : les ennuis de santé, les situations familiales compliquées, les difficultés de travail, les décès, mais aussi les naissances, les guérisons, les réconciliations… On est à mille lieues des querelles de parti et du bruit médiatique. Parfois c’est pour le pays qu’on prie, mais jamais je n’y ai vu évoquées des questions de liturgie ou de doctrine. C’est la vie toute simple qui se trouve là, sans artifice.

C’est aussi toute la confiance du « peuple de Dieu » qui s’exprime – même dans les doutes et l’obscurité. C’est, véritablement, l’expression de la foi brute, de la ferveur populaire, au sens le plus noble. N’est-ce pas le signe d’une confiance absolue que de venir déposer ici ses souffrances, ses demandes, des remerciements ?

Cette confiance touche même au paradoxe : on vient confier ses intentions dans l’église, mais anonymes, sans même savoir si elles seront effectivement lues par quelqu’un d’autre. Le plus souvent d’ailleurs, ceux qui notent leurs intentions s’adressent directement à Dieu. Parfois à la Vierge ou à tel saint patron. S’il arrive que certaines demandes s’adressent à la paroisse, jamais je n’ai vu une intention qui, dans sa forme, soit confiée à l’Église « militante » comme on dit. Pourtant, priant pour ces intentions laissées par ceux qui m’avaient précédé, il me semblait sentir battre le cœur de l’Église. Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps…

Toutes ces intentions particulières, laissées dans tant et tant d’églises à travers le monde, et qui forment ensemble une immense prière universelle.

J’ai connu une paroisse où le livret des intentions était porté en procession lors de la prière universelle, et déposé au pied de l’autel (sans lire publiquement ces intentions, bien entendu). Moi qui suis pourtant toujours un peu réservé face aux initiatives privées en matière de liturgie, je comprenais bien l’intention de ce geste – tout en me demandant si ce n’était déjà pas trop de mettre ainsi en lumière ces intentions confiées dans la pénombre de l’église, loin de l’assemblée.

Le temps n’avait malheureusement pas suspendu son vol et l’heure de mon rendez-vous a fini par arriver. J’ai refermé le cahier, avec un sentiment d’apaisement. Comme si – alors que les sujets de découragements ne manquent pas dans l’Église – cette plongée dans la foi vive des croyants m’avait permis de revenir à l’essentiel.

« Regarde avec bonté, Seigneur,
le peuple qui se confie en ta miséricorde. »

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