Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire, pape François

Le titre occulte un peu le sujet du livre. « Ne rien faire » est à comprendre dans la perspective de la mission, puisque c’est de cela que veut nous parler le pape François dans ce petit livre publié à l’occasion du Mois missionnaire extraordinaire d’octobre 2019.

Ceux qui cherchent de savants échafaudages théologiques pourront passer leur chemin. Le propos ici est très simple. Quand les idées sont claires, il n’est pas besoin de compliquer. Ce n’est pas un texte du Magistère, mais de libres propos, où la forme dialoguée paraît toutefois un peu artificielle par moment. Le lecteur assidu des textes magistériels n’apprendra peut-être pas grand chose par rapport à Evangelii Gaudium. Mais on sent que le pape revient ici sur un sujet qui lui tient à cœur pour en offrir un aperçu plus spontané, accessible au plus grand nombre.

Cette forme pédagogique, qui correspond sans doute plus au style pastoral du pape, a quelque chose de vraiment évangélique. Jésus non plus ne s’adonnait pas la théologie spéculative. Il parlait de la vie quotidienne des hommes et des femmes de son temps.

Mais derrière la simplicité de la forme, le propos est très ferme, à commencer par ce rappel : l’annonce de l’Évangile est la raison même d’être de l’Église (« l’Église est annonce, ou elle n’est pas l’Église»). J’en retiens principalement deux idées :

  • L’évangélisation, ce n’est pas nous qui en sommes à l’origine, mais l’Esprit. Être missionnaire, c’est d’abord laisser l’Esprit agir en soi. Dès qu’on oublie cela et qu’on envisage la mission comme notre propre œuvre, on fait autre chose qu’évangéliser. Le pape met en garde contre toutes les « stratégies » qui, fatalement, conduisent à penser que c’est nous qui évangélisons. François cite Thérèse, la petite religieuse qui vécut cloîtrée dans son carmel à Lisieux et devint pourtant patronne des missions. On pense aussi à Bernadette (« Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, mais de vous le dire ! »). La mission n’est pas le prosélytisme.
  • La mission ne passe pas d’abord par le discours mais par le témoignage de vie. La mission ne peut être elle-même que si c’est un processus « d’attraction ». Or ce qui attire vraiment, c’est le rayonnement d’une vie, d’un engagement, et non pas le discours savant – surtout quand il sert à « mettre des douanes » pour contrôler la bonne foi des gens plutôt qu’à faciliter leur accès au Christ, par des chemins dont seul l’Esprit est maître.

Certaines formules peuvent surprendre, notamment la démarche de « baptême facilité » expérimentée en Argentine, que relate le pape. On imagine les réactions indignés de ceux qui, en entendant ce nom, penseraient qu’il s’agirait de brader les sacrements – comme si les sacrements étaient réservés à une élite déjà tellement pure qu’elle n’en aurait, au fond, même plus besoin. C’est pourtant bien l’exemple inverse que donne le Christ, opposant régulièrement, aux pharisiens qui jugent selon la lettre, les pécheurs qui vivent selon l’Esprit et que Jésus présente comme des modèles dans la foi. Il vaut la peine de lire attentivement le récit de cette démarche par François pour en comprendre toute la valeur.

À cent lieues de ceux qui s’obstinent à l’opposer à son prédécesseur, François s’inscrit paisiblement dans les pas de Benoît XVI, en reprenant à son compte plusieurs de ses formules (« l’Église grandit par attraction ») qu’il approfondit et développe. Malgré tout, c’est un livre incarné et très personnel, avec de nombreuses références à l’expérience pastorale de l’ancien archevêque de Buenos Aires ou de son attirance pour les missions jésuites en Asie.

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