Pêche miraculeuse

La pêche miraculeuse, mosaïque. Basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf, Ravenne

Une fois encore, en écoutant l’évangile du jour à la messe ce dimanche, j’ai été surpris par une brève mention que j’ai eu l’impression de découvrir. L’évangile de la pêche miraculeuse est pourtant archi connu. On connaît l’histoire, qui se compose d’ailleurs en deux parties : la pêche miraculeuse proprement dite, et puis ensuite le dialogue où Jésus, par trois fois, demande à Pierre s’il l’aime – écho au triple reniement de Jésus par Pierre lors de la Passion.

Ce matin, c’est la première interrogation qui m’a étonné. La première fois en effet, Jésus ne demande pas seulement à Pierre s’il l’aime : il lui demande plus précisément – selon le texte de la traduction liturgique – s’il l’aime « plus que ceux-ci ». Il y a peu de doute sur le fait que « ceux-ci » désigne les autres disciples qui étaient avec eux sur la rive à ce moment.

C’est tout de même étrange que Jésus demande à Pierre de prétendre qu’il l’aime plus que les autres disciples. C’est étrange, déjà, parce que nous sommes dans l’évangile de Jean, qui se présente lui-même souvent (et quelques versets plus tôt encore) comme « le disciple que Jésus aimait », ce qui témoigne d’une relation privilégiée que revendique Jean avec le Christ.

Mais c’est encore plus étrange quand on repense à ce moment où Jésus reprend sévèrement les disciples qui discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand (Mc 9,34), et leur dit : « si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. » Il y a d’autres moments où Jésus calme les ardeurs de ceux qui déclarent un peu vite leur attachement à Jésus. Pierre lui-même en a fait les frais.

Je me suis demandé si je ne comprenais pas la question à l’envers. Est-ce que Jésus ne demande pas plutôt à Pierre s’il aime Jésus plus qu’il n’aime les autres disciples ? Un peu comme lorsque Jésus déclare qu’il faut le préférer à son père ou sa mère pour être son disciple (Lc 14,26). Cela semblerait peut-être plus cohérent. Pourtant certaines traductions (comme la Bible Segond par exemple) lèvent l’ambiguïté en précisant bien : « m’aimes-tu plus que ne m’aiment ceux-ci ? ». Mais en retournant au texte grec, cela ne semble pas si clair : πλεῖον τούτων. Mes souvenirs de grec sont hélas trop lointains pour que je puisse dire si ce génitif précise le sens de la phrase. Mais selon quelques travaux fort savants (qui plaident pour : « m’aimes-tu moi plus que ces choses »), la question semble ouverte et Maître Eckhart lui-même semblait perplexe sur l’interprétation juste de cette question.

Bien entendu, ce point n’est pas essentiel dans l’histoire. D’ailleurs, l’homélie ne s’y est pas attardée et je n’ai pas le souvenir d’avoir jamais entendu le moindre commentaire sur cette mention. Il y a déjà tant à dire sur la pêche miraculeuse, la confession de foi de Pierre, la mission que lui confie le Christ… Mais comme on dit souvent que rien n’a été consigné sans raison dans le texte biblique, je ne peux m’empêcher de me demander la raison de cette précision.

2 Comments

  1. Merci pour ces commentaires qui nous aident à approfondir la lecture que nous faisons de ces Évangiles. C’est un gros travail, bravo !

  2. Plus que ceux-ci….à vrai dire j´ai toujours entendu ces mots selon votre ligne de pensée, en somnolant travers les homélies habituels en paroisse.

    Comme avec la parabole du bon Samaritain où je me retrouve toujours dans le rôle de gisant, à partir duquel l´exhortation du curé n´a aucun sens…j´ai hâte de lire vos autres commentaires!

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